Demain fera un an qu’à Audaux je cueillais
les fleurs dont j’ai parlé, de la prairie mouillée.
C’est aujourd’hui le plus beau jour des jours de Pâques.
Je me suis enfoncé dans l’azur des campagnes,
à travers bois, à travers prés, à travers champs.
Comment, mon cœur, n’es-tu pas mort depuis un an?
Mon cœur, je t’ai donné encore ce calvaire
de revoir ce village où j’avais tant souffert,
ces roses qui saignaient devant le presbytère,
ces lilas qui me tuent dans les tristes parterres.
Je me suis souvenu de ma détresse ancienne,|
et je ne sais comment je ne suis pas tombé
sur l’ocre du sentier, le front dans la poussière.
Plus rien. Je n’ai plus rien, plus rien qui me soutienne.
Plus rien. Pourquoi fait-il si beau et pourquoi suis-je né?
J’aurais voulu poser sur vos calmes genoux
la fatigue qui rompt mon âme qui se couche
ainsi qu’une pauvresse au fossé de la route.
Dormir. Pouvoir dormir. Dormir à tout jamais
sous les averses bleues, sous les tonnerres frais.
Ne plus sentir. Ne plus savoir votre existence.
Ne plus voir cet azur engloutir ces coteaux
dans ce vertige bleu qui mêle l’air à l’eau,
ni ce vide où je cherche en vain votre présence.
Il me semble sentir pleurer au fond de moi,
d’un lourd sanglot muet, quelqu’un qui n’est pas là.
J’écris. Et la campagne est sonore de joie.
«Elle était descendue au bas de la prairie,
et comme la prairie était toute fleurie.»
Plus rien. Je n’ai plus rien, plus rien qui me soutienne.
It will be a year tomorrow since at Audaux I picked
those flowers I mentioned from the damp meadow.
Today is the most beautiful of Easter days.
I plunged deep into the blue countryside,
across woods, across meadows, across fields.
How is it, O heart, you did not die a year ago
O heart, once more I’ve caused you this Calvary
of seeing again this village where I suffered so,
the roses which bled before the vicarage,
the lilacs that kill me in their melancholy beds.
I recalled my old anguish
and do not know why I did not fall
headlong in the dust on the ochre path.
Nothing more. I have nothing more, nothing to sustain me.
Nothing more. Why is the weather so fair and why was I born?
I would have wished to place on your quiet lap
the fatigue which breaks my soul as it lies
like a poor woman by the roadside ditch.
To sleep. To be able to sleep. To sleep forever more
beneath blue showers, beneath fresh thunder.
To no longer feel. Be no longer aware that you exist.
To no longer see this blue sky swallow up these hills
in this reeling blue which mingles air and water,
nor this void where I search for you in vain.
I seem to feel a weeping within me,
a heavy, silent sobbing, someone who is not there.
I write. And the countryside is loud with joy.
‘She had reached the low-lying meadow,
and like the meadow was all a-blossom.’
Nothing more. I have nothing more, nothing to sustain me.